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Argumentaire

Lors d’un célèbre discours à l’école des Hautes Etudes Commerciales, intitulé Les sciences sociales et la démocratie, tenu par Pierre Bourdieu le 27 novembre 1995, le sociologue avait énoncé quelques-unes des contributions possibles des sciences sociales, et plus particulièrement de « la sociologie », à la démocratie, au rang desquelles il comptait sa portée explicative dans la compréhension des phénomènes sociaux, ainsi qu’une contribution critique, quant à la production et aux effets des politiques publiques (Bourdieu, Quijoux, Siméant-Germanos 2023). La sociologie, qui occupe déjà une position subalterne dans la hiérarchie académique (Renisio, 2015), est pourtant l’objet ces dernières années de polémiques par médias interposés, qui vont parfois jusqu’à la désigner comme « discipline à abattre » (Lagrave, 2022, p.19). Ce constat peut mener à se questionner sur le rapport entre cette « science qui dérange », pour reprendre les mots de Pierre Bourdieu (Bourdieu, 1984, p.19), et le reste du monde social, sur le rôle qu’elle y joue. Comment la sociologie interagit-elle avec le reste du monde social ? Quels sont les enjeux de ces interactions ?

Un premier type d'interactions est celui dans lequel se sont opposés critiques et défenseur·e·s de la sociologie critique. Mais la sociologie se donne aussi à voir sous d’autres formes et dans d’autres espaces sociaux. Par exemple, à l’occasion de la diffusion de savoirs sociologiques via des documentaires, des bandes dessinées, des romans, des plateformes de streaming, les réseaux sociaux, ou encore tout simplement dans la presse, mais aussi dans sa pratique en dehors du monde académique : au sein d’une collectivité territoriale, d’un établissement d’enseignement, d’une association, d’une entreprise ou d’un groupe politique… comme enquêteur·ice, comme professionnel·le ou en tant qu’expert·e. Enfin, la sociologie interagit avec d’autres disciplines scientifiques, qui peuvent utiliser ou s’approprier des notions ou concepts sociologiques pour leurs recherches, ou à l’inverse, nourrir les travaux sociologiques. 

Dès lors, l’objectif de ce colloque est de questionner ces rencontres, ces croisements : comment la sociologie véhicule-t-elle la connaissance qu’elle produit en dehors de son champ de production ? Quelles sont les pratiques adoptées par les sociologues ou ex-sociologues dans ces différents espaces ? De quelle manière la sociologie est appropriée par d’autres champs, académiques et non-académiques ? Et dans le sens inverse, comment la sociologie s'approprie-t-elle d'autres savoirs produits hors de son champ disciplinaire ? Quels sont les enjeux, les apports et les limites de ces circulations et de ces appropriations pour la sociologie, et pour le reste du monde social ? Existe-t-il de potentiels dangers pour la sociologie comme discipline à part entière, et pour son autonomie ?

Ce colloque se déroulera ainsi selon trois axes, correspondant à trois types possibles d’espaces d’interactions entre la sociologie et le reste du monde social : l’espace médiatique, l’espace des autres emplois de « sociologues » et l’espace des sciences.

  • Axe 1 – La sociologie dans l'espace médiatique : critiques, réponses et enjeux de la diffusion de la connaissance sociologique.
  • Axe 2 – Pluralité et déclinaisons des emplois de « sociologues »  : enjeux des pratiques et des usages de la sociologie dans d’autres champs professionnels.
  • Axe 3 – La sociologie dans l'espace académique : apports et limites de la (pluri- et inter-) disciplinarité.

 

Nous remercions Limoges Métropole pour sa subvention accordée dans le cadre de l'Appel à Manifestation d'Intérêt (AMI) 2025, ainsi que le laboratoire GRESCO, dont le soutien a été déterminant dans la concrétisation de ce colloque.

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